Depuis toujours, lorsqu’on me posait la question « et toi tu voudrais des enfants ? » je répondais toujours oui, mais jamais un oui très franc. « Oui mais pas avec n’importe qui » (quand j’étais célibataire). « Oui mais pas tout de suite » (quand j’étais en couple). Je me disais que oui je voulais des enfants, et ma réflexion s’arrêtait là.
Et puis au bout de quelques années avec mon mec on s’est dit que c’était le bon moment, et j’ai arrêté la contraception avec le projet de faire un enfant. À notre grande surprise, je suis tombée enceinte très vite, au bout de 2 mois, et on était très heureux. Malheureusement, le fœtus s’est arrêté de vivre, et on a vécu un moment assez difficile.
On a recommencé, et là, ça n’a plus du tout marché. Au bout d’un an et demie, mon mec m’a suggéré qu’on aille voir un médecin au cas où. Et c’est là que les choses bizarres ont commencé.
En général, c’est toujours moi qui prends les RDV, qui téléphone, qui s’occupe d’organiser les trucs. Sauf que là, je procrastinais comme jamais, et c’est lui qui a du insister un bon moment pour qu’on prenne RDV ensemble chez ma gynéco. Elle nous a prescrit des examens à tous les deux, et là aussi, il a fait les siens assez rapidement. Moi, j’ai mis des mois à me bouger pour prendre RDV pour les prises de sang et autres examens. Quand on en a reparlé à ma gyneco, elle nous a dit que vu notre situation, on allait sans doute devoir passer par une PMA parce qu’on avait tous les deux des soucis.
Il a donc a nouveau fallu prendre RDV dans une clinique et là encore, j’ai procrastiné. Je n’ai pas pris le RDV, mon mec m’a tanné et il a fini par le faire avec moi. Je ne me rendais compte de rien, mais vraiment, ça ne me ressemble absolument pas du tout.
Après notre premier RDV pour la PMA, on a entrevu le processus qui nous attendait, j’ai parlé longuement au téléphone avec une amie qui avait fait 2 PMA pour ses 2 enfants, et honnêtement, je vivais ça comme un long chemin de souffrance et d’emmerdes qui me faisait peur et qui ne me faisait pas du tout envie. Mais je me disais « pas le choix ! » J’ai fait un examen gynéco à la clinique avec un médecin qui m’a mis extraordinairement mal à l’aise, plus le temps passait, et plus j’y allais à reculons.
À ce moment là, la guerre en Ukraine a éclaté. Et ça a été une sorte de déclic. C’est mon mec qui m’a dit un soir « Il faut vraiment qu’on réfléchisse : est-ce qu’on a vraiment envie de mettre au monde des enfants ? Parce que déjà ça ne va pas être simple, mais est-ce qu’on a envie de faire tout ça dans un monde qui est de plus en plus insupportable ?«
J’ai réalisé à ce moment là que je ne me posais pas la question, mais que tout m’effrayait dans le futur. Et après une discussion finalement pas si longue, on s’est dit qu’on allait y réfléchir chacun·e de notre côté, et qu’on se donnait une semaine. C’était un dimanche soir, et on avait RDV le dimanche suivant pour en parler. La dead-line était courte, mais le lundi d’après j’avais un examen qui s’annonçait absolument atroce (ça s’appelle une hysterosalpingographie et avec un nom comme ça déjà ça ne présage rien de bon, mais en plus une de mes copines m’avait dit que c’était le pire de tous). Et je ne voulais vraiment pas y aller pour rien.
Pour la première fois de ma vie en 36 ans, j’ai essayé de m’imaginer dans un futur sans enfants. À 40, à 50, à 70 ans.
Et j’ai ADORÉ ce que je voyais. Tout d’un coup, tous mes rêves que j’avais mis de côté en me disant « de toutes façons j’aurai des enfants je ne pourrai jamais faire ça » sont revenus à moi, je me suis projetée dans tellement de choses qui me faisaient rêver, j’y croyais à peine.
C’est là que j’ai réalisé que je ne m’étais jamais posée la question. Pas à un seul moment de ma vie. Que je m’étais toujours sentie « obligée », et que ne pas avoir d’enfants n’avait jamais été une option que je pouvais considérer. J’ai été d’autant plus choquée de réaliser ça que ça fait maintenant un moment que je lis des livres féministes, j’écoute des podcasts féministes, je fréquente beaucoup de féministes, je réfléchis beaucoup à cette question là. Mais moi je m’étais interdit de penser à ces choses là. Je devais avoir des enfants, ce n’était ni une question, ni un choix.
Quand j’ai réalisé que ce futur sans enfant était vraiment mon futur de rêve, j’ai senti une libération que je n’avais jamais ressenti avant. Et tout d’un coup, c’était clair, et je ne pouvais plus revenir en arrière. Je venais de découvrir que je ne voulais pas d’enfants. Que je ne me sentais pas « mère » et que je ne l’avais jamais voulu, simplement je ne me l’avouait pas.
La discussion la semaine suivante avec mon mec m’a fait peur. Je me suis dit : s’il me dit que pour lui c’est une évidence, il veut absolument des enfants, que faire ? Finalement il n’en voulait pas non plus, et nous avons pris la décision ce jour là que nous n’aurions pas d’enfants.
Depuis, je revis.