C’est une question que je me suis beaucoup posée ces derniers temps car j’ai été sensibilisée à l’importance de l’écriture inclusive, mais j’ai aussi vite remarqué combien elle cristallisait les frustrations, les incompréhensions, et globalement le rejet du combat féministe. Je ne vais pas détailler ici les raisons qui font que l’écriture inclusive me semble indispensable pour faire évoluer notre société sexiste, d’autres l’ont très bien fait. Je vous invite par exemple à écouter les 2 épisodes l’excellent podcast des “Couilles sur la table” de Victoire Tuaillon qui y sont consacrés :
Je vais d’abord simplement rappeler ce qu’est “L’écriture inclusive” car ce terme est presque toujours utilisé pour désigner uniquement le point médian ou les nouveaux mots comme par exemple “iel”. Alors que l’écriture inclusive, c’est bien plus vaste que ça. La première définition que l’on trouve sur wikipedia nous dit : Ensemble de règles et de pratiques qui cherchent à éviter toute discrimination par l’écriture. Il n’est donc pas question de la simple utilisation du point médian !
Voici quelques règles et pratiques que j’ai pu adopter pour rendre mon écriture plus inclusive, dans ma vie personnelle ou au travail (j’ai la chance de travailler avec des personnes qui sont très sensibles à la question !) Je précise que ces règles et pratiques ne sont pas utilisées aux mêmes endroits et dans les mêmes contextes, c’est justement le sujet de cet article. En voici quelques unes :
- Utilisation du point médian (exemple : les médiateur·trices)
- Dédoublement des mots pour inclure le masculin et le féminin (exemple : les médiatrices et les médiateurs)
- Utilisation de nouvelles terminaisons inclusives (exemple : les médiateurices)
- Utilisation de tournures ou de mots épicènes c’est à dire qui ne marquent pas de différence de genre. (exemple : les guides)
- Accord de majorité (exemple : “les médiatrices” pour parler des personnes exerçant cette profession qu’elles soient des femmes ou des hommes, considérant que l’écrasante majorité sont des femmes)
Il me semble que ce sont les pratiques et règles principales utilisées aujourd’hui par toute personne sensible à la question de l’écriture inclusive. Cependant, je fais toujours attention au contexte dans lequel j’écris pour choisir telle ou telle pratique.
Par exemple, avec un groupe d’ami·es inter-générationnel (avec plusieurs soixantenaires pour qui cette question est encore très douloureuse) je n’utilise jamais de point médian, jamais de nouvelles terminaisons, j’écris toujours tout en toutes lettres quand une formule épicène n’est pas possible. Quand je leur écris un mail, je commence par une des deux formules suivantes : “Salut la compagnie !” (épicène) ou “Salut à toutes et à tous !” (dédoublement des mots). En revanche, quand j’écris sur notre canal de discussion interne au travail, je peux écrire “Salut à toustes” sans aucun problème. Nous avons aussi pris l’habitude, dans notre équipe de travail, de parler de nous au féminin pour appliquer la règle de l’accord de majorité car nous sommes 5 : 4 femmes et un homme. C’est très étrange au début de dire “on va toutes écrire nos objectifs pour la semaine prochaine” alors qu’on inclut un homme. Et quand on parle, on sent bien que le masculin revient toujours comme un automatisme, et on se reprend beaucoup. Mais à force, ça devient un peu plus normal, et notre habitude change.
Dans les articles de notre blog professionnel, là aussi, on a choisi la plupart du temps le féminin générique car notre profession est majoritairement féminine. Mais il nous arrive aussi, selon les articles, d’utiliser le point médian ou les terminaisons inclusives. Il me semble que c’est aussi une question de sensibilité. Ma collègue a tendance à utiliser plus de points médians et de terminaisons inclusives. Pour ma part, je cherche toujours une formule épicène en priorité. Ainsi, on ne parle plus de nos visiteurs, mais de notre public, ou de nos visiteureuses (ce qui est très joli !)
L’effet bénéfique c’est qu’avec le temps et la pratique, on s’habitude vraiment à toutes ces formes d’écriture et tout devient presque naturel. Mais au début, il faut accepter de se forcer, de se relire, car évidemment ce n’est naturel pour personne.
L’autre effet positif, c’est qu’en maitrisant toutes ces formes et en les utilisant à bon escient selon les contextes, on peut être inclusif sans froisser les réfractaires et cela permet même de faire de la pédagogie !
L’exemple qui me vient en tête c’est précisément avec ce groupe d’ami·es de tous âges. Un jour à table le sujet est arrivé, c’était au moment de la “polémique” sur le mot “iel” qui était rentré dans le dictionnaire. Un ami très réfractaire aux questions de genre (mais je l’éduque petit à petit…) s’est exclamé que c’était n’importe quoi, et que où va le monde, et s’est tourné vers moi immédiatement (bien sûr je suis celle qui se la ramène tout le temps sur le sujet) en me disant : “Toi Clémence j’espère que tu utilises pas l’écriture inclusive hein ?!” J’étais tellement heureuse qu’il me pose cette question, juste parce qu’il ne m’avait jamais vu écrire “iel”. Et je lui ai répondu : “Mais bien sûr que si enfin, tu n’as pas remarqué que tous les mails que je vous envoie sont écrit en écriture inclusive ? Que j’écris toujours “toutes et tous”, que j’accorde toujours au féminin ou au masculin ? Tu sais, l’écriture inclusive peut prendre de très nombreuses forme. Si tu es contre l’écriture inclusive cela veut dire que tu préférerais qu’on écrive “Bonjour à tous” au lieu de “toutes et tous”, et je suis sûre que tu n’es pas contre ça. » Ça a laissé la place à un mini-cours sur ce qu’est vraiment l’écriture inclusive, qu’on a le droit d’utiliser certaines formes pas d’autres, que moi même j’utilise “iel” et “toustes”, mais évidemment pas avec lui. Que non le point médian n’est pas impossible à prononcer, qu’il ne se prononce pas et qu’il s’agit seulement d’une abréviation, etc.
Et ce qui est marrant, précisément avec ce petit groupe, c’est que je n’ai pas du tout changé ma manière d’écrire avec eux, mais depuis cette discussion qu’on a eu, 2 d’entre eux utilisent des points médians (ils ont la soixantaine) et plus personne ne dit rien à ce sujet.
Je suis donc convaincue qu’il faut continuer, que certain·es s’offusquent, se braquent, mais petit à petit, l’idée fait son chemin, et beaucoup se braquent juste parce qu’iels regardent trop la télé.
Soyez inclusif·ves !
PS : un outil formidable même s’il n’est pas aussi complet qu’on le souhaiterait et que l’on m’a partagé, c’est le dictionnaire des synonymes épicènes. Bien sûr, il n’existe pas de synonyme épicène pour tout ce que vous voulez dire, mais quand il y en a un, vous le trouverez ici !