Le public de musique classique me choque

La semaine dernière, en plein contexte de réforme des retraites, grèves et manifestations, un musicien de l’Orchestre National de Lyon et délégué syndical prend la parole en début de concert. Il veut parler de la pénibilité du métier de musicien professionnel, de la pression, de la difficulté physique. Il reconnait la chance de vivre de sa passion, mais cela n’annule pas la fatigue, l’exigence, et parfois les problèmes de santé graves dûs à cet pratique.

L’homme n’a même pas commencé à lire son texte, il a juste le temps de dire « Bonsoir » et immédiatement on entend des sifflements, des insultes provenant du public. Il n’a même pas eu le temps de dire « je me permets de prendre la parole devant vous ce soir » que déjà, il se fait huer, insulter. J’ai vu la vidéo, j’ai été sidérée. Tellement sidérée et tellement en colère que je n’ai pas pu la regarder en entier.

Pas de politique

Les gens lui crient des choses comme « on n’est pas là pour ça« , « Je suis venu à un concert, pas à une manif ! » Le public ne supporte pas de savoir que les personnes qui vont jouer pour eux ce soir, qui vont leur procurer des émotions, qui vont leur faire entendre de la musique magnifique parfois souffrent pour cela. Le public ne supporte pas qu’on lui rappelle la triste réalité. Il veut voir les paillettes, écouter la musique, profiter de l’instant, et ne pas savoir que c’est grâce à des humains. Et que ces humains là ont des opinions, des émotions, et des difficultés.

Cette façon de nier la réalité me touche parce qu’on s’approche d’une situation très problématique. Lorsque l’on nie à ce point là l’humanité des personnes et que l’on estime que l’on n’a « pas payé pour ça », dans quelle posture se met-on ? Quel est le rapport qui se crée entre ces personnes qui ont payé et qui veulent leur spectacle, et celles et ceux qui le performent, au détriment de leur santé ou de leur confort financier ?

Bien sûr, je ne vais pas aller jusqu’à dire que la situation des musiciens est très grave, je crois que ces musiciens d’orchestre là sont peut-être parmi les mieux lotis en France. Mais qu’on ne soit absolument pas capable de les entendre parler m’interroge.

Quelle image du public

Et surtout, je m’interroge sur ce que cela dit de ce public. Le public de l’Auditorium est un public riche (les billets coûtent cher, je le sais j’y vais souvent mais je suis toujours assise tout en haut, ou bien j’attends les ventes éphémères pour avoir les billets moins cher), un public âgé avec un capital culturel conséquent. Un public cultivé qui sait écouter de la musique classique, un public favorisé, et pourtant, un public qui insulte, qui hue, qui siffle.

Ce public-là que l’on imagine distingué et que pour ma part j’imagine aisément en train de fustiger les manifestants qui brûlent des poubelles, et dégradent du matériel. Ce public s’indignerait de la dégradation de matériel, mais n’a aucun problème à avoir un comportement violent et blessant envers une personne ?

Parmi toutes les provocations de la classe dominante auxquelles on a eu droit ces derniers temps, je crois que celle-ci est celle qui m’a le plus choquée. Ce comportement de bêtes violentes, méprisantes, face à quelque chose de si pacifique. Un homme qui vient dire la difficulté de son métier. Calmement, avant de jouer. Pas de grève, pas d’annulation de concert, pas d’insultes dans son propos. Pas d’image particulièrement forte ou symbolique, parce qu’on aurait pu imaginer l’orchestre debout tournant le dos, ou absent, ou je ne sais quelle autre image pour montrer la désapprobation, mais non. Rien de tout ça. L’orchestre est assis, prêt à jouer, l’homme parle, lit une page de texte, et il se fait insulter.


Vous trouverez ici la vidéo du moment… perso je n’aime pas regarder ces choses là mais si vous ne croyez pas à cette haine, la voici.

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